lundi 31 décembre 2012

Kissidougou : Enquête sur l’assassinat de l’élève Mohamed Tounkara


Le vendredi 2 novembre, l’atmosphère était polluée dans la ville de Kissidougou : la gendarmerie départementale brûlée avec son contenu, une boutique et la résidence du Commandant pillée, une maison démolie, la prière du vendredi interrompue. Tout le monde était remonté contre l’assassinat de Mohamed Tounkara, élève en 10e année au Collège Ernesto, la nuit du 1er au 2 novembre aux environs de 2h, par un inconnu. Mariam Kaba, l’une des trois copines de la victime, prétextant se rendre à un Sabar (danse traditionnelle) avec ses amies, en a profité pour aller chez son copain.
Elle y reste jusqu’aux environs de minuit. Mohamed Tounkara la raccompagne et au retour, il passe par l’hôtel Mantise où se déroulait le Sabar pour y rester un moment. En rentrant chez lui, à quelque 200 mètres de l’hôtel, il reçoit la balle fatale d’un fusil PMAK au cou : « C’était le 2 novembre 2012, aux environs de 6h, que j’ai été informé qu’un crime a été commis au quartier Safakoura sur la route de Kouroussa. J’ai aussitôt informé Mme le Juge et le corps médical pour nous rendre sur les lieux, où nous avons constaté que la victime avait une plaie perforante d’une arme à feu au cou. On a trouvé sur les lieux les étuis d’une arme PMAK, une cartouche et un trousseau de clés » nous a expliqué Cdt Joseph Zoumanigui de la gendarmerie de Kissidougou.
Les trois copines de Mohamed Tounkara, deux autres jeunes nommés Mamadi Tounkara et Savané sont interpellés et gardés à la gendarmerie. La population en déduit directement que les interpellés sont les coupables du crime. Des mécontents profitent du repli des militaires au camp et du retard du renfort de sécurité de Guéckédou (préfecture voisine), pour brûler la gendarmerie et piller la résidence du Commandant Joseph Zoumanigui. Les personnes interpellées déjà transportées à la Compagnie d’infanterie de Kissidougou, ont eu la vie sauve. La maison familiale de Mamadi Tounkara et Savané a été démolie. La boutique de leur frère, vidée.
L’assassin de Mohamed Tounkara reste inconnu. Les cinq personnes interpellées se déclarent toutes innocentes.
Les manifestants justifient leur agissement par la passivité du préfet Sébastien Tounkara : « Les jeunes disent que la gendarmerie a demandé du carburant au préfet et qu’il aurait refusé. Deuxième alibi, ils disent que le préfet n’était pas avec nous au moment du constat et qu’il ne s’est pas rendu dans la famille éplorée pour présenter les condoléances » a rapporté Cdt Joseph Zoumanigui. Ce dernier qui a essayé de calmer les mécontents en leur informant de l’absence du préfet aurait été lapidé : « J’ai fait des efforts pour leur dire que le préfet n’a jamais refusé de nous donner du carburant. D’ailleurs, comment pourrai-je le réveiller à 6h et lui demander du carburant ? J’aurais manqué à mes devoirs. J’ai acheté du carburant à mes propres frais. Je leur ai dit que cela n’est pas une raison pour aller casser. J’ai encouru tous les risques. D’autres se détachaient du groupe pour venir me lyncher lorsqu’on se rendait à la famille du défunt. L’enterrement du corps par les sages a aussi envenimé la situation. Ces derniers ont fui et j’étais là seul au milieu des manifestants ». Cdt Joseph Zoumanigui n’a pu regagner chez lui que grâce à l’intervention du Sotikèmö (Chef coutumier) et du Cdt de la Compagnie d’infanterie de Kissidougou.
Même que la ville de Kissidougou aurait été embrasée si Cdt Joseph Zoumanigui n’avait pas ordonné à ce qu’on vide le magasin de la gendarmerie des obus qu’il contenait, avant que les manifestants n’y mettent le feu. Trente cinq motos de service ont été incendiées, deux PMAK et un PA ont été emportés par les pillards. Sans compter les biens personnels du Cdt de la gendarmerie : « Seuls les fauteuils, ils n’ont pas pu emporter. Ma télé, l’antenne parabolique, le décodeur, les lits et les matelas, deux valises de madame, un carton de carreaux cassés destinés à mon chantier. Ils ont fait des dégâts » a déploré Cdt Zoumanigui. A notre passage, quelqu’un était venu apporter deux complets à la femme de celui-ci pour compatir à sa situation. Deux matelas et la télé du Cdt ont été retrouvés par la police dans des domiciles privés et les propriétaires ont été mis aux arrêts.
Le samedi 3 novembre, une délégation de Conakry conduite par le ministre du Budget Mohamed Diaré a atterri d’urgence à Kissidougou pour présenter les condoléances et calmer les manifestants. Une enveloppe de dix millions de francs aurait été remise à la famille éplorée.
Mamadou Diawo Barry
Envoyé spécial

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