Le vendredi 2 novembre, l’atmosphère était polluée dans la ville de
Kissidougou : la gendarmerie départementale brûlée avec son contenu, une
boutique et la résidence du Commandant pillée, une maison démolie, la prière du
vendredi interrompue. Tout le monde était remonté contre l’assassinat de
Mohamed Tounkara, élève en 10e année au Collège Ernesto, la nuit du 1er au 2 novembre aux environs de 2h, par un inconnu. Mariam
Kaba, l’une des trois copines de la victime, prétextant se rendre à un Sabar
(danse traditionnelle) avec ses amies, en a profité pour aller chez son copain.
Elle y reste jusqu’aux environs de minuit. Mohamed Tounkara la raccompagne et
au retour, il passe par l’hôtel Mantise où se déroulait le Sabar pour y rester
un moment. En rentrant chez lui, à quelque 200 mètres de l’hôtel, il reçoit la
balle fatale d’un fusil PMAK au cou : « C’était le 2 novembre 2012,
aux environs de 6h, que j’ai été informé qu’un crime a été commis au quartier
Safakoura sur la route de Kouroussa. J’ai aussitôt informé Mme le Juge et le
corps médical pour nous rendre sur les lieux, où nous avons constaté que la
victime avait une plaie perforante d’une arme à feu au cou. On a trouvé sur les
lieux les étuis d’une arme PMAK, une cartouche et un trousseau de clés »
nous a expliqué Cdt Joseph Zoumanigui de la gendarmerie de Kissidougou.
Les trois copines de Mohamed Tounkara, deux autres jeunes nommés Mamadi
Tounkara et Savané sont interpellés et gardés à la gendarmerie. La population
en déduit directement que les interpellés sont les coupables du crime. Des
mécontents profitent du repli des militaires au camp et du retard du renfort de
sécurité de Guéckédou (préfecture voisine), pour brûler la gendarmerie et
piller la résidence du Commandant Joseph Zoumanigui. Les personnes interpellées
déjà transportées à la Compagnie d’infanterie de Kissidougou, ont eu la vie
sauve. La maison familiale de Mamadi Tounkara et Savané a été démolie. La boutique
de leur frère, vidée.
L’assassin de Mohamed Tounkara reste inconnu. Les cinq personnes
interpellées se déclarent toutes innocentes.
Les manifestants justifient leur agissement par la passivité du préfet
Sébastien Tounkara : « Les jeunes disent que la gendarmerie a demandé
du carburant au préfet et qu’il aurait refusé. Deuxième alibi, ils disent que
le préfet n’était pas avec nous au moment du constat et qu’il ne s’est pas
rendu dans la famille éplorée pour présenter les condoléances » a rapporté
Cdt Joseph Zoumanigui. Ce dernier qui a essayé de calmer les mécontents en leur
informant de l’absence du préfet aurait été lapidé : « J’ai fait des
efforts pour leur dire que le préfet n’a jamais refusé de nous donner du
carburant. D’ailleurs, comment pourrai-je le réveiller à 6h et lui demander du
carburant ? J’aurais manqué à mes devoirs. J’ai acheté du carburant à mes
propres frais. Je leur ai dit que cela n’est pas une raison pour aller casser.
J’ai encouru tous les risques. D’autres se détachaient du groupe pour venir me
lyncher lorsqu’on se rendait à la famille du défunt. L’enterrement du corps par
les sages a aussi envenimé la situation. Ces derniers ont fui et j’étais là
seul au milieu des manifestants ». Cdt Joseph Zoumanigui n’a pu regagner
chez lui que grâce à l’intervention du Sotikèmö (Chef coutumier) et du Cdt de
la Compagnie d’infanterie de Kissidougou.
Même que la ville de Kissidougou aurait été embrasée si Cdt Joseph
Zoumanigui n’avait pas ordonné à ce qu’on vide le magasin de la gendarmerie des
obus qu’il contenait, avant que les manifestants n’y mettent le feu. Trente
cinq motos de service ont été incendiées, deux PMAK et un PA ont été emportés
par les pillards. Sans compter les biens personnels du Cdt de la
gendarmerie : « Seuls les fauteuils, ils n’ont pas pu emporter. Ma
télé, l’antenne parabolique, le décodeur, les lits et les matelas, deux valises
de madame, un carton de carreaux cassés destinés à mon chantier. Ils ont fait
des dégâts » a déploré Cdt Zoumanigui. A notre passage, quelqu’un était
venu apporter deux complets à la femme de celui-ci pour compatir à sa
situation. Deux matelas et la télé du Cdt ont été retrouvés par la police dans
des domiciles privés et les propriétaires ont été mis aux arrêts.
Le samedi 3 novembre, une délégation de Conakry conduite par le ministre du
Budget Mohamed Diaré a atterri d’urgence à Kissidougou pour présenter les
condoléances et calmer les manifestants. Une enveloppe de dix millions de
francs aurait été remise à la famille éplorée.
Mamadou Diawo Barry
Envoyé spécial
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire