Ibrahima
Sambégou Diallo, jeune mathématicien Guinéen « Je suis engagé dans un duel que
je dois absolument remporter »
Le scientifique guinéen est actuellement à l’Institut mathématique
africain de Dakar. Il veut mettre sur orbite un résultat crucial dans le
domaine des mathématiques : la démonstration de la conjecture de Goldbach.
Nous l’avons rencontré pour en savoir plus.
Présentez-vous.
Je suis Sambégou
Diallo, théoricien des nombres.
Parlez-nous
de la démonstration de la célèbre conjecture de Goldbach.
La conjecture de
Goldbach est un problème mathématique déconcertant, d’une simplicité
extraordinaire, que personne, avant moi, n’a pu résoudre. C’est un défi, posé à
Leonhard Euler, en 1742, en ces termes : « Est-ce possible d’écrire
tout nombre pair comme la somme de deux nombres premiers ? ».
Depuis 1997, je
travaille sur ce casse-tête, ainsi que sur d’autres. Puisque vous n’êtes pas
sans savoir que les chercheurs de grand calibre sont dispersés, et affrontent
toujours, de manière simultanée, beaucoup de problèmes.
Alors, je suis
parvenu, avec l’aide d’Allah le Tout-Puissant, à débusquer ce casse-tête vieux
de 27 décennies. Aujourd’hui, je suis en mesure de prouver la validité de cette
conjecture. Et ce, avec toute la logique, la rigueur et la cohérence requises.
La démonstration
est simple. Elle ne fait pas appel aux complications enfantées par la Théorie
analytique des nombres. Elle fait appel à des outils très simples, connus de
tous les grands mathématiciens. C’est le théorème de Chebotarev, entre autres.
Aujourd’hui, avec force détails, je peux dire que l’hypothèse de Goldbach est
une conséquence du théorème de Cheboratev.
Comme toujours
en pareil cas, nous sommes sur la vérification. Il est vrai que cela a pris
beaucoup de temps, compte tenu de certains aléas, mais nous la publierons
bientôt. Si telle est la volonté de Dieu.
Via
Rusal, vous avez confié la vérification de votre démonstration à une université
russe, où en êtes-vous?
En effet, c’est
la représentation à Conakry de la compagnie Rusal qui m’a fait appel en
novembre 2011.
A l’occasion,
j’ai rencontré le directeur des ressources humaines. En l’occurrence M. Youri
Grigoriev. Il m’a posé quelques questions, en présence de certains employés de
Rusal. Il se disait subjugué par le résultat auquel j’avais abouti. Il m’a dit
que cela est très intéressant pour toute l’humanité. Et de ce fait, Rusal peut
débloquer des moyens pour m’accompagner. Mais, pour cela, il est préférable de
s’orienter vers la Russie, au lieu de l’institut mathématique africain
(IAMS-Dakar), initialement prévu pour la suite de mon parcours.
M. Youri m’a dit
que la Russie a de très grands mathématiciens. Parmi eux, il a personnellement
des amis. Il y a aussi des russes qui enseignement à l’université de Conakry.
Donc, il souhaitait que nous fassions voir le travail à des mathématiciens à
Moscou, avant que Rusal ne finance un déplacement là-bas, pour une conférence
mathématique qui me permettrait de démontrer devant des spécialistes de
renommée mondiale. Nous étions donc d’accord sur la démarche. Il a posé une
condition pour bénéficier de l’appui de Rusal : fournir un résumé plus ou
moins détaillé (en quelque dix pages) de mon travail, qu’il va soumettre à
Moscou pour appréciation. Pour ne pas qu’on soit tous les deux ridicules,
dit-il. Je l’ai accepté.
Il m’a ensuite
conseillé d’envoyer ça par e-mail, tout en me recommandant fermement de garder
le message envoyé, comme preuve. Mais, a-t-il ajouté, il prend l’engagement de
garder la découverte à son niveau et ne pas la laisser à la portée d’un tiers
qui pourrait en faire usage autrement. J’ai reçu donc sa carte de visite. Et M.
Youri m’a dit que sa porte m’était ouverte. Je lui ai remercié et on s’est
quitté.
Ensuite, c’est
avec Siré Dieng, du service communication, que j’ai discuté en ce qui
concernait le délai. Dans les jours qui ont suivi, j’ai envoyé ce résumé (de 14
pages Word). Pour attendre la réaction de Rusal. C’était en novembre 2011.
En janvier 2012,
j’ai appelé M. Youri. Il m’a dit que Moscou n’a pas réagi encore. Et que la
traduction du document avait énormément pris du temps. Les mathématiciens de
Moscou continuaient de l’étudier. Mais, la dernière fois qu’ils en avaient
parlée, ceux-là étaient encore au niveau de la traduction. Il m’a demandé de
patienter. Quand ils vont réagir, il a promis de me répercuter ça par mail.
Alors, depuis, j’attends.
Jusqu’au moment
où les sites d’information scientifique ont publié, fin mai, l’avancée majeure
faite par un mathématicien américain d’origine chinoise, Terence Tao, qui fait
des recherches sur la même conjecture. Il se rapprocherait inéluctablement de
la solution.
Alors que j’étais
complètement plongé dans une période d’hibernation, cela m’a réveillé. Je
connais bien ce jeune, qui est d’ailleurs un chercheur de mon âge. C’est un
vrai génie des maths. J’ai eu peur qu’il n’aboutisse à la solution de ce
problème, même contestable. Je sais que tous les médias occidentaux le
soutiendraient, même dans la légèreté. Ce serait pour moi peine perdue, et 14
ans de recherche qui s’en irait à vau-l’eau. Je suis reparti vers Rusal, début
juin, pour en venir aux nouvelles.
A ma grande
surprise, Siré Dieng m’a fait savoir que Rusal a désisté il y a belle lurette.
Il s’est dit désolé de me l’annoncer tardivement mais les patrons de Rusal, à
Moscou, n’y croient pas. On les prête notamment les propos suivants :
"il y a des savants dans nos universités à Moscou ici, qui ont passé toute
leur vie à étudier cette conjecture, sans trouver une réponse ; ce n’est
pas un africain qui le pourra". Or, selon M. Dieng, ce sont eux qui
décident de tout. Même pour un simple communiqué de presse, destiné à être
publié dans les journaux guinéens, il faut que Moscou avalise. Il m’a fait
savoir que lui et son patron, M. Youri, se sont beaucoup investis pour
décrocher cet appui de Rusal, mais Moscou ne croit pas qu’un africain est en
mesure de résoudre la conjecture de Goldbach.
Cela m’a surpris
d’autant plus qu’on ne m’a pas informé à temps. Je serai déjà parti au Sénégal
et soumettre mon travail à la vérification, du côté de l’IAMS-Dakar et Cheick
Anta Diop, avant de le publier dans une revue spécialisée. Je me suis demandé
pourquoi ils ont attendu huit mois pour me le dire ? Je considère ça comme
une petite trahison.
En plus, moi
j’attendais un débat sur le fond. Que les mathématiciens contactés par Rusal me
disent que la démonstration est juste ou qu’elle est entachée d’erreurs
susceptibles de la remettre en cause, c’est acceptable. Mais, rien de tout
cela. Au contraire, on me dit qu’un africain n’est pas capable de
réfléchir ; cela me choque à plus d’un titre. Telle est donc la situation
actuelle.
Rusal m’a
complètement endormi. J’ai toujours estimé qu’elle allait respecter son
engagement puisque, depuis un certain temps, elle finance les études d’une
centaine de boursiers guinéens, dont le mérite est incontestablement en deçà du
travail que j’ai fait. Je ne comprends pas.
Quelles
pourraient être les conséquences de la démonstration du jeune chinois dont la
recherche avancée?
Terence Tao est
Australien, d’origine chinoise et naturalisé américain. Il enseigne à
l’université de Californie. C’est un surdoué qui produit beaucoup de résultats
de haut niveau. On dit qu’il est comme Mozart. Il est donc considéré par les
médias occidentaux comme le meilleur mathématicien vivant. Il travaille
actuellement sur la conjecture de Goldbach. C’est en février qu’il a soumis une
solution partielle de cette conjecture, en cours de vérification, à une revue
scientifique. Il se dit optimiste pour affronter la démonstration finale.
Il utilise la
Méthode du cercle de Hardy-Littlewood, fréquemment employée en Théorie
analytique des nombres. Dans son article de référence, il dit avoir démontré
que "tout nombre impair peut se décomposer en somme d’au plus cinq nombres
premiers". Ce qui est un grand pas vers la résolution de la
conjecture. Mais il faut reconnaitre que sa démonstration (partielle) est très
compliquée. Tao s'appuie sur les résultats de nombreux autres mathématiciens
contemporains, au regard de la bibliographie qui comporte une quarantaine de
références.
Il cherche donc
à affronter la démonstration finale. Et pour ce, il a noté dans son blog qu’il
a encore besoin de quelques idées nouvelles.
Donc, Terence
Tao est aujourd’hui mon concurrent direct. Il a l’avantage des médias, la
facilité de la communication, une tribune où soumettre ses travaux ; et
moi j’ai la démonstration mais tout le reste me manque.
Comme vous le
voyez, je suis engagé dans un duel que je dois absolument remporter.
Quelle
est la suite du programme ?
Comme je l’ai
dit tantôt, je m’en vais à Dakar. Mieux vaut tard que jamais. Puisqu’en Guinée
rien de tout cela n’est possible. La vocation de l’IAMS étant d’encourager les
chercheurs africains, je pense que j’y serai accueilli à bras ouverts. Pour
faire une conférence mathématique, soumettre mon travail à la vérification et
le publier comme initialement prévu. Ensuite, m’occuper d’autres choses, et
prendre d’autres perspectives dans le domaine de la recherche. Je suis en
avance sur beaucoup de sujets en Arithmétique.
Si vous
consultez certains forums sur le net (comme http://www.les-mathematiques.net),
les mathématiciens français m’ont toujours reproché d’avoir donné mon travail à
une compagnie minière…
Quel
appel lancez-vous au gouvernement guinéen pour votre projet?
La Guinée n’est
pas un pays de promotion de ressources humaines. C’est un pays
ascientifique, plutôt versé dans les mamayas et autres pratiques folkloriques,
rejetant systématiquement toute idée à caractère scientifique.
Un pays où les
ministres de la République peuvent bien se réjouir de parrainer les mariages au
lieu des rencontres où on discute science.
La recherche
n’existe ou n’est encouragée nulle part, y compris au sein de nos universités.
Je pense qu’il est inutile de perdre son temps ici. Il faut aller faire la
recherche scientifique là où c’est utile. Pour ne pas s’évertuer à prêcher dans
un désert. Je ne lance pas d’appel en direction de notre gouvernement. Je ne
demande pas un soutien quelconque à ce gouvernement, puisque de toutes les
façons il n’a jamais aidé personne. C’est un pays qui laisse mourir ses
intellectuels comme de pauvres hères.
Les exemples
sont légion. Vous les connaissez. Par contre, si j’ai un appel à lancer, c’est
en direction de mes compatriotes, les Guinéens, des particuliers, hommes et
femmes, épris de paix, de justice. Je veux parler du Guinéen, individuellement
pris, qui est un bon samaritain, animé de bonne volonté et qui travaille dans l’ombre, pour que chaque
jour la vie s’améliore. A celui-là, si j’ai une proposition d’assistance, ça me
ferai énormément plaisir et ça me redonnerait du souffle. Au cas contraire, je
me débrouillerai tout seul.
Quelle
appréciation faites-vous de la recherche scientifique en Guinée?
Quelle
recherche ? Vous plaisantez. En dehors de ceux qui évoluent en solo, comme
moi, sans assistance ni subvention, où est-ce qu’on peut rencontrer des
chercheurs en Guinée ? Si vous en connaissez, dites-moi. Tous les projets
soumis par les chercheurs sont tués prématurément par ceux-là mêmes qui sont
censés les encourager. La recherche scientifique dans notre pays est à
repenser.
Source : lejour.info
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