lundi 31 décembre 2012

Ibrahima Sambégou Diallo, jeune mathématicien Guinéen


Ibrahima Sambégou Diallo, jeune mathématicien Guinéen « Je suis engagé dans un duel que je dois absolument remporter »

Le scientifique guinéen est actuellement à l’Institut mathématique africain de Dakar. Il veut mettre sur orbite un résultat crucial dans le domaine des mathématiques : la démonstration de la conjecture de Goldbach. Nous l’avons rencontré pour en savoir plus.
Présentez-vous.

Je suis Sambégou Diallo, théoricien des nombres.
Parlez-nous de  la démonstration de la célèbre conjecture de Goldbach.
La conjecture de Goldbach est un problème mathématique déconcertant, d’une simplicité extraordinaire, que personne, avant moi, n’a pu résoudre. C’est un défi, posé à Leonhard Euler, en 1742, en ces termes : « Est-ce possible d’écrire tout nombre pair comme la somme de deux nombres premiers ? ».
Depuis 1997, je travaille sur ce casse-tête, ainsi que sur d’autres. Puisque vous n’êtes pas sans savoir que les chercheurs de grand calibre sont dispersés, et affrontent toujours, de manière simultanée, beaucoup de problèmes.
Alors, je suis parvenu, avec l’aide d’Allah le Tout-Puissant, à débusquer ce casse-tête vieux de 27 décennies. Aujourd’hui, je suis en mesure de prouver la validité de cette conjecture. Et ce, avec toute la logique, la rigueur et la cohérence requises.
La démonstration est simple. Elle ne fait pas appel aux complications enfantées par la Théorie analytique des nombres. Elle fait appel à des outils très simples, connus de tous les grands mathématiciens. C’est le théorème de Chebotarev, entre autres. Aujourd’hui, avec force détails, je peux dire que l’hypothèse de Goldbach est une conséquence du théorème de Cheboratev.
Comme toujours en pareil cas, nous sommes sur la vérification. Il est vrai que cela a pris beaucoup de temps, compte tenu de certains aléas, mais nous la publierons bientôt. Si telle est la volonté de Dieu.
Via Rusal, vous avez confié la vérification de votre démonstration à une université russe, où en êtes-vous?
En effet, c’est la représentation à Conakry de la compagnie Rusal qui m’a fait appel en novembre 2011.
A l’occasion, j’ai rencontré le directeur des ressources humaines. En l’occurrence M. Youri Grigoriev. Il m’a posé quelques questions, en présence de certains employés de Rusal. Il se disait subjugué par le résultat auquel j’avais abouti. Il m’a dit que cela est très intéressant pour toute l’humanité. Et de ce fait, Rusal peut débloquer des moyens pour m’accompagner. Mais, pour cela, il est préférable de s’orienter vers la Russie, au lieu de l’institut mathématique africain (IAMS-Dakar), initialement prévu pour la suite de mon parcours.
M. Youri m’a dit que la Russie a de très grands mathématiciens. Parmi eux, il a personnellement des amis. Il y a aussi des russes qui enseignement à l’université de Conakry. Donc, il souhaitait que nous fassions voir le travail à des mathématiciens à Moscou, avant que Rusal ne finance un déplacement là-bas, pour une conférence mathématique qui me permettrait de démontrer devant des spécialistes de renommée mondiale. Nous étions donc d’accord sur la démarche. Il a posé une condition pour bénéficier de l’appui de Rusal : fournir un résumé plus ou moins détaillé (en quelque dix pages) de mon travail, qu’il va soumettre à Moscou pour appréciation. Pour ne pas qu’on soit tous les deux ridicules, dit-il. Je l’ai accepté.
Il m’a ensuite conseillé d’envoyer ça par e-mail, tout en me recommandant fermement de garder le message envoyé, comme preuve. Mais, a-t-il ajouté, il prend l’engagement de garder la découverte à son niveau et ne pas la laisser à la portée d’un tiers qui pourrait en faire usage autrement. J’ai reçu donc sa carte de visite. Et M. Youri m’a dit que sa porte m’était ouverte. Je lui ai remercié et on s’est quitté.
Ensuite, c’est avec Siré Dieng, du service communication, que j’ai discuté en ce qui concernait le délai. Dans les jours qui ont suivi, j’ai envoyé ce résumé (de 14 pages Word). Pour attendre la réaction de Rusal. C’était en novembre 2011.
En janvier 2012, j’ai appelé M. Youri. Il m’a dit que Moscou n’a pas réagi encore. Et que la traduction du document avait énormément pris du temps. Les mathématiciens de Moscou continuaient de l’étudier. Mais, la dernière fois qu’ils en avaient parlée, ceux-là étaient encore au niveau de la traduction. Il m’a demandé de patienter. Quand ils vont réagir, il a promis de me répercuter ça par mail. Alors, depuis, j’attends.
Jusqu’au moment où les sites d’information scientifique ont publié, fin mai, l’avancée majeure faite par un mathématicien américain d’origine chinoise, Terence Tao, qui fait des recherches sur la même conjecture. Il se rapprocherait inéluctablement de la solution.
Alors que j’étais complètement plongé dans une période d’hibernation, cela m’a réveillé. Je connais bien ce jeune, qui est d’ailleurs un chercheur de mon âge. C’est un vrai génie des maths. J’ai eu peur qu’il n’aboutisse à la solution de ce problème, même contestable. Je sais que tous les médias occidentaux le soutiendraient, même dans la légèreté. Ce serait pour moi peine perdue, et 14 ans de recherche qui s’en irait à vau-l’eau. Je suis reparti vers Rusal, début juin, pour en venir aux nouvelles.
A ma grande surprise, Siré Dieng m’a fait savoir que Rusal a désisté il y a belle lurette. Il s’est dit désolé de me l’annoncer tardivement mais les patrons de Rusal, à Moscou, n’y croient pas. On les prête notamment les propos suivants : "il y a des savants dans nos universités à Moscou ici, qui ont passé toute leur vie à étudier cette conjecture, sans trouver une réponse ; ce n’est pas un africain qui le pourra". Or, selon M. Dieng, ce sont eux qui décident de tout. Même pour un simple communiqué de presse, destiné à être publié dans les journaux guinéens, il faut que Moscou avalise. Il m’a fait savoir que lui et son patron, M. Youri, se sont beaucoup investis pour décrocher cet appui de Rusal, mais Moscou ne croit pas qu’un africain est en mesure de résoudre la conjecture de Goldbach.
Cela m’a surpris d’autant plus qu’on ne m’a pas informé à temps. Je serai déjà parti au Sénégal et soumettre mon travail à la vérification, du côté de l’IAMS-Dakar et Cheick Anta Diop, avant de le publier dans une revue spécialisée. Je me suis demandé pourquoi ils ont attendu huit mois pour me le dire ? Je considère ça comme une petite trahison.
En plus, moi j’attendais un débat sur le fond. Que les mathématiciens contactés par Rusal me disent que la démonstration est juste ou qu’elle est entachée d’erreurs susceptibles de la remettre en cause, c’est acceptable. Mais, rien de tout cela. Au contraire, on me dit qu’un africain n’est pas capable de réfléchir ; cela me choque à plus d’un titre. Telle est donc la situation actuelle.
Rusal m’a complètement endormi. J’ai toujours estimé qu’elle allait respecter son engagement puisque, depuis un certain temps, elle finance les études d’une centaine de boursiers guinéens, dont le mérite est incontestablement en deçà du travail que j’ai fait. Je ne comprends pas.
Quelles pourraient être les conséquences de la démonstration du jeune chinois dont la recherche avancée?
Terence Tao est Australien, d’origine chinoise et naturalisé américain. Il enseigne à l’université de Californie. C’est un surdoué qui produit beaucoup de résultats de haut niveau. On dit qu’il est comme Mozart. Il est donc considéré par les médias occidentaux comme le meilleur mathématicien vivant. Il travaille actuellement sur la conjecture de Goldbach. C’est en février qu’il a soumis une solution partielle de cette conjecture, en cours de vérification, à une revue scientifique. Il se dit optimiste pour affronter la démonstration finale.
Il utilise la Méthode du cercle de Hardy-Littlewood, fréquemment employée en Théorie analytique des nombres. Dans son article de référence, il dit avoir démontré que "tout nombre impair peut se décomposer en somme d’au plus cinq nombres premiers".  Ce qui est un grand pas vers la résolution de la conjecture. Mais il faut reconnaitre que sa démonstration (partielle) est très compliquée. Tao s'appuie sur les résultats de nombreux autres mathématiciens contemporains, au regard de la bibliographie qui comporte une quarantaine de références.
Il cherche donc à affronter la démonstration finale. Et pour ce, il a noté dans son blog qu’il a encore besoin de quelques idées nouvelles.
Donc, Terence Tao est aujourd’hui mon concurrent direct. Il a l’avantage des médias, la facilité de la communication, une tribune où soumettre ses travaux ; et moi j’ai la démonstration mais tout le reste me manque.
Comme vous le voyez, je suis engagé dans un duel que je dois absolument remporter.
Quelle est la suite du programme ?
Comme je l’ai dit tantôt, je m’en vais à Dakar. Mieux vaut tard que jamais. Puisqu’en Guinée rien de tout cela n’est possible. La vocation de l’IAMS étant d’encourager les chercheurs africains, je pense que j’y serai accueilli à bras ouverts. Pour faire une conférence mathématique, soumettre mon travail à la vérification et le publier comme initialement prévu. Ensuite, m’occuper d’autres choses, et prendre d’autres perspectives dans le domaine de la recherche. Je suis en avance sur beaucoup de sujets en Arithmétique.
Si vous consultez certains forums sur le net (comme http://www.les-mathematiques.net), les mathématiciens français m’ont toujours reproché d’avoir donné mon travail à une compagnie minière…
Quel appel lancez-vous au gouvernement guinéen pour votre projet?
La Guinée n’est pas un pays de promotion de ressources humaines. C’est un pays ascientifique, plutôt versé dans les mamayas et autres pratiques folkloriques, rejetant systématiquement toute idée à caractère scientifique.
Un pays où les ministres de la République peuvent bien se réjouir de parrainer les mariages au lieu des rencontres où on discute science.
La recherche n’existe ou n’est encouragée nulle part, y compris au sein de nos universités. Je pense qu’il est inutile de perdre son temps ici. Il faut aller faire la recherche scientifique là où c’est utile. Pour ne pas s’évertuer à prêcher dans un désert. Je ne lance pas d’appel en direction de notre gouvernement. Je ne demande pas un soutien quelconque à ce gouvernement, puisque de toutes les façons il n’a jamais aidé personne. C’est un pays qui laisse mourir ses intellectuels comme de pauvres hères.
Les exemples sont légion. Vous les connaissez. Par contre, si j’ai un appel à lancer, c’est en direction de mes compatriotes, les Guinéens, des particuliers, hommes et femmes, épris de paix, de justice. Je veux parler du Guinéen, individuellement pris, qui est un bon samaritain, animé de bonne volonté et  qui travaille dans l’ombre, pour que chaque jour la vie s’améliore. A celui-là, si j’ai une proposition d’assistance, ça me ferai énormément plaisir et ça me redonnerait du souffle. Au cas contraire, je me débrouillerai tout seul.
Quelle appréciation faites-vous de la recherche scientifique en Guinée?
Quelle recherche ? Vous plaisantez. En dehors de ceux qui évoluent en solo, comme moi, sans assistance ni subvention, où est-ce qu’on peut rencontrer des chercheurs en Guinée ? Si vous en connaissez, dites-moi. Tous les projets soumis par les chercheurs sont tués prématurément par ceux-là mêmes qui sont censés les encourager. La recherche scientifique dans notre pays est à repenser.
Source : lejour.info

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