Invité à la sixième édition des soixante-douze heures du
livre en Guinée, l’international français Lilian Thuram a, le 24 avril,
présenté son livre : « Mes étoiles noires. De Lucy à Barack Obama »,
au Centre culturel franco-guinéen. Une œuvre de 389 pages qui pose la
problématique du racisme, dont l’auteur lui-même en a été victime, en classe en
tant qu’élève et dans des stades en tant que footballeur. « Toutes les
fois que j’ai demandé aux enfants à quelle occasion ont-ils entendu pour
la première fois parler des Noirs, ils m’ont répondu : l’esclavage »
se désole Lilian Thuram.
L’histoire du peuple noir est plus ancienne et ne se
résume pas qu’à cette période sombre de l’humanité : « Si on avait
commencé par l’Egypte antique pour conter l’histoire du monde noir, peut-être
que cela aurait pu changer les choses » estime l’international français.
Puisque tel n’a pas été le cas, celui-ci s’est proposé de relever le défi de
réécrire l’Histoire des peuples noirs en partant de ses origines, de l’Egypte
antique à nos jours. Pour s’orienter dans sa démarche, Lilian Thuram a choisi
« ses étoiles » comme repères. Au nombre de quarante-cinq, la
première étoile dans le livre est une femme, Lucy et la dernière, le fils
d’immigré et premier président noir des Etats-Unis, Barack Hussein Obama.
« Nous possédons une origine unique. Nous sommes
tous des Africains d’origine, nés il y a trois millions d’années, et cela
devrait nous inciter à la fraternité ». C’est par cette citation d’Yves
Coppens, professeur au Collège de France, confirmant la thèse « Afrique
berceau de l’humanité », que Lilian Thuram a commencé : « Pour
ouvrir le récit de cette longue marche de la femme et de l’homme noirs, je ne
pouvais que commencer par le premier Homme, puisque l’homme est né en Afrique,
tous les chercheurs s’accordent sur ce point. Les quatre-vingts milliards d’Homo
habilis, erectus, sapiens…qui ont suivi jusqu’aujourd’hui, ont la même origine.
Ainsi, parler des Noirs, c’est parler des femmes et des hommes de toutes les
couleurs. Cela rejoint le projet de mon livre » écrit-il. Partant de ce
fait, l’auteur trouve qu’il n’y a pas de races : « Il n’y a pas de
blanc, de jaune, ou de noir, mais une couleur unique, le marron, qui va du plus
clair quand la production de mélanine est faible, au plus foncé quand elle est
élevée. La peau est un parasol biologique qui s’ajuste en fonction des UV
susceptibles de passer dans notre corps. (…).Si l’on élimine l’enveloppe
corporelle d’un être humain et que l’on plonge à l’intérieur de son corps, on
est incapable de déterminer son origine. Quelque soit sa couleur, il aura
toujours 639 muscles, 5 litres de sang et sera génétiquement semblable aux
autres à 99,9 % ».
L’auteur décrit sa première étoile, Lucy « née en
Afrique orientale il y a 3 180 000 ans, parce qu’elle représente à
nos yeux tous les âges préhistoriques. (…). Cinquante-deux petits os
déterminables. Cinquante-deux fragments qui suffiront au déchiffrage et à la
compréhension de son existence. Les ayant ajustés, les chercheurs vont dire son
âge, sa taille, estimer son poids, supputer sa démarche, ses gestes, sa voix ;
décrire son régime alimentaire, sa vie sociale et les circonstances de sa
mort ». Yves Coppens, l’un des découvreurs du fossile de Lucy, le 24
novembre 1974, dans les collines éthiopiennes de l’Afar, la définit comme «
l’histoire de l’histoire de l’héroïne de l’histoire de l’histoire de
l’Homme ».
Après Lucy, l’auteur évoque d’autres étoiles, comme
les Pharaons d’Egypte. A Khephren, il en a donné le nom de l’un de ses deux
fils pour qu’il « sache, par son nom, que l’histoire des peuples noirs ne
se résume pas à l’esclavage » écrit Thuram, tout en s’attardant sur l’un
des plus glorieux pharaons noirs, Taharqa (690 à 664 av J.C ». Les Américains noirs Malcolm X et Tupac Amaru
Shakur, l’antillais Frantz Fanon, le sud-africain Rolihlahla Nelson
Mandela, le sénégalais Cheikh Anta Diop, le malien Cheick Modibo Diarra et le
guinéen Addi Bâ sont entre autres « étoiles noires » évoquées par
l’international français. « Le résistant qui ne parle pas », c’est
ainsi que l’auteur qualifie Addi Bâ (25 décembre 1913 – 18 décembre 1943), cet
ancien combattant de la Seconde guerre mondiale aux exploits déjà décrits dans
« Le terroriste noir » de Thierno Monembo. On parle d’un parfait
« soldat inconnu ! ». Contrairement à son frère d’armes
Félix Eboué dont « les cendres ont été transférées le 20 mai 1949 au
Panthéon », Addi Bâ, lui, « reste une étoile noire perdue dans le
ciel de France. Pour tout honneur, le Colonel Rives, avec l’accord des
Langevins, a donné son nom à une rue de Langeais, en Indre-et-Loire, le 11 mai
1991 » déplore l’auteur de « Mes étoiles noires ». Et de
rappeler que Addi Bâ est « né en 1913 près de Conakry (ndlr : Pita),
en Guinée. Arrivé en France, il est engagé comme cuisinier chez un notable de
Langeais. En 1939, alors que la guerre est imminente, l’état-major de l’Armée
se souvient des forces « indigènes » qui combattirent si
courageusement en 14-18. Addi Bâ s’engage…. En avril 1940, Addi Bâ est affecté
au 12e régiment de tirailleurs sénégalais. En 1943, après plusieurs
exploits, mais aussi des tortures, le maquisard Addi Bâ et l’un de ses amis,
Arburger, sont « fusillés sur le plateau de la Vierge, à Epinal » par
les Allemands. Ce n’est qu’en 2003 que l’adjudant Bâ a reçu, à titre posthume,
« la médaille de la résistance, soixante ans après sa mort ».
La dernière étoile noire de Lilian Thuram est le
premier président noir américain. Obama est né d’un couple qui symbolise la
victoire contre le racisme. Son père kényan, noir et sa mère, aux origines
irlandaises et écossaises était « blanche comme le lait » décrit
Obama fils, cité par l’auteur : « Ses parents se marient en 1960.
Premier miracle, puisque le mariage mixte est encore considéré comme un crime
dans plus de la moitié des États-Unis ». Barack Obama remarque :
« Mon père aurait pu périr pendu à un arbre simplement pour avoir osé
poser ses yeux sur ma mère ». Après ses études universitaires, le fils
« d’immigré » opte pour la défense des droits civiques, comme sa
femme Michelle Robinson : « Leurs personnalités complémentaires donnent
une dimension nouvelle à la carrière de Barack Obama » note l’auteur. Élu
sénateur de l’État de l’Illinois en 1996 et des Etats-Unis en 2002, le 4
novembre 2008 (victoire de Barack Obama sur John McCain), l’histoire donne
raison au magazine Times qui, six ans auparavant, avait annoncé Obama
comme : « The next president » (« Le prochain
président »).
Lilian Thuram reconnaît que quarante-cinq n’épuise pas
le nombre « d’étoiles noires » connues ou anonymes qui ont ou
scintillent à travers le monde, et que chacun peut poursuivre le décompte.
Alors, à vos « étoiles noires » !
Diao Barry
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